L’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme prévoit qu’une majorité qualifiée des colotis puisse saisir l’autorité compétente (pour statuer sur les demandes de permis d’aménager) afin de procéder à la modification, notamment, du cahier des charges du lotissement s’il a été approuvé ou ses dispositions de nature règlementaire s’il n’a pas été approuvé ; dès lors que cette modification est compatible avec la règlementation d’urbanisme applicable.
De prime abord cette procédure peut sembler répondre aux attentes exprimées de la nécessaire mobilisation du foncier en faveur du logement. À tout le moins tel en est son esprit.
Cependant dans la pratique la modification réglementaire des cahiers des charges se heurte à plusieurs écueils.
La règle de majorité édictée par le texte est de « la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie ».
Même s’il ne s’agit plus ici d’une règle d’unanimité, il n’en reste pas moins que la majorité qualifiée requise puisse être difficile à établir avec exactitude, et a fortiori, à atteindre dans les mêmes lotissements que ceux évoqués précédemment, à savoir les lotissements sans ASL, anciens et pour lesquels tant le périmètre que le nombre de colotis ne seront pas précisément déterminés890.
La nature des clauses modifiables pose également difficulté. Bien que sa constitutionnalité soit désormais établie891, la procédure édictée par ce texte ne peut porter que sur les clauses dites « réglementaires » des cahiers des charges, qu’ils soient ou non approuvés892 et « ne permettent donc pas de modifier des clauses étrangères à cet objet, intéressant les seuls colotis »893.
Il est donc nécessaire de procéder à la distinction des clauses réglementaires de celles relevant du pur droit privé. Or cette distinction est malaisée et ne relève que de l’appréciation souveraine des juges. Afin d’aider le praticien dans l’analyse de ces clauses retenons que :
- pour l’administration, les clauses sont dites réglementaires lorsqu’elles édictent « des règles de portée générale, complétant les règles du document d’urbanisme ou plus généralement, relevant de dispositions d’urbanisme au sens de l’article L. 421-6 du Code de l’urbanisme »894. Ce seraient donc les clauses « relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords ».
- Pour le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, une clause réglementaire s’apparente à une règle d’urbanisme, en ce qu’elle est susceptible de figurer dans un document d’urbanisme. Cette position est ainsi plus large que celle de l’administration.
À titre d’exemple dans un avis du 24 juillet 2019, le Conseil d’État énonce qu’une clause d’un cahier des charges approuvé limitant le nombre maximal de lots (et donc au demeurant interdisant possiblement de facto toute subdivision) constitue une règle d’urbanisme.
Sans pouvoir dresser un inventaire à la Prévert, on comprend alors que les clauses le plus habituellement rencontrées dans la pratique notariale tombent sous le joug de l’article L. 442-10. Ainsi en sera-t-il des règles relatives à la hauteur, le recul, l’emprise au sol…et donc pourquoi pas la subdivision. S’agissant des règles d’habitation bourgeoise ou de nombre de logements par lots des réserves plus importantes peuvent être émises.
Relevons également l’utilisation du terme « peut prononcer la modification » dans le texte. On doit comprendre que, même si la majorité qualifiée est atteinte et ne porte pas à discussion, même si les clauses soumises sont bien de nature réglementaire, et enfin que la modification demandée est compatible avec la réglementation d’urbanisme applicable, l’autorité administrative n’est pas en situation de compétence liée mais dispose d’un pouvoir discrétionnaire de prononcer ou non la modification. Le refus devra toutefois être motivé.
Nous rappellerons enfin au passage l’expérience malheureuse de l’article 221 de la loi Climat et Résilience qui avait tenté de réduire la majorité requise pour modifier à la hausse le nombre de lots afin de permettre une subdivision en application de l’article L. 442-12.
Devant les contraintes et incertitudes soulevées par les deux processus de modification à l’initiative des colotis, la procédure de mise en concordance à l’initiative de l’autorité locale peut-elle apporter une réponse pleinement efficace à la recherche de l’optimisation foncière en faveur du logement ?